Analyse approfondie de l’article 20 du Décret exécutif n° 05-277 du 2 août 2005 fixant les modalités de dépôt et d’enregistrement des marques en Algérie

Texte de l’article 20 :

« Toute modification du modèle de la marque ou extension de la liste des produits ou services désignés font l’objet d’un nouveau dépôt ; la priorité de l’enregistrement antérieur reste acquise même si ledit enregistrement est radié. »

I. Contexte normatif et champ d’application de l’article 20 :

L’article 20 s’inscrit dans la Section 3 dudit décret, laquelle est dédiée au renouvellement des marques. Il pose une règle de principe en matière de modification substantielle d’un signe enregistré :

Toute altération du modèle (graphique ou verbal) de la marque, ou toute extension du périmètre des produits ou services désignés au titre du dépôt initial, requiert nécessairement un nouveau dépôt, distinct du renouvellement simple.

Cette disposition vise à préserver l’intégrité juridique de l’enregistrement initial, tout en permettant au titulaire de la marque d’introduire des modifications par le biais d’un nouveau dépôt, en se fondant, le cas échéant, sur la priorité conférée par l’enregistrement antérieur — y compris lorsque celui-ci a été radié.

II. Interprétation stricte de l’interdiction de modification au moment du renouvellement :

L’article 20 consacre une interdiction claire de toute modification substantielle de la marque au moment du renouvellement. Cette interdiction concerne :

  • La reproduction du signe (modification du logo, changement d’éléments verbaux ou figuratifs, altération de l’identité visuelle) ;
  • L’extension de la liste des produits ou services, laquelle reviendrait à élargir la protection initiale sans examen de fond sur les nouveaux éléments.

Ce principe garantit que le renouvellement demeure un acte conservatoire de l’enregistrement, sans incidence sur le périmètre matériel ou territorial de la protection acquise.

III. Système d’enregistrement algérien : examen de fond et absence d’opposition :

Il convient de souligner que le système algérien d’enregistrement des marques repose sur un examen de fond et d’antériorité, mené par l’INAPI, sans qu’un mécanisme d’opposition ne soit institué à ce jour.

Cela renforce l’importance de l’examen initial et du contrôle strict des modifications lors du renouvellement, afin d’éviter que de nouvelles revendications ne puissent être introduites sans être soumises à l’examen rigoureux applicable à tout premier dépôt.

IV. Problématique de la priorité attachée à un enregistrement radié :

Une difficulté d’interprétation apparaît lorsque l’Office algérien considère que la priorité d’un enregistrement antérieur reste indéfiniment acquise, y compris lorsque cet enregistrement a été radié.

Si l’on adoptait cette lecture extensive et littérale de l’article 20, il en découlerait des conséquences juridiques inacceptables :

  • La décision de radiation, même fondée sur une annulation judiciaire ou une déchéance, deviendrait inopérante, puisque le titulaire pourrait redéposer la marque en revendiquant une priorité fondée sur un enregistrement nul ou réputé inexistant ;
  • Le principe de sécurité juridique et les effets attachés à la radiation judiciaire ou administrative d’un enregistrement s’en trouveraient anéantis ;
  • Le titulaire pourrait contourner une annulation judiciaire définitive en redéposant la marque, en y ajoutant même des produits ou services non visés initialement, créant ainsi une reconstitution artificielle d’un droit définitivement éteint.

V. Interprétation conforme aux principes fondamentaux du droit des marques :

Notre interprétation, fondée sur les principes généraux du droit des marques, ainsi que sur la pratique internationale (notamment les dispositions pertinentes de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle), conduit à une lecture plus rigoureuse et équilibrée de l’article 20.

La priorité issue d’un enregistrement antérieur, y compris radié, ne saurait être perpétuelle ni opposable indéfiniment. Elle ne peut être invoquée que dans les limites temporelles prévues par la législation, à savoir :

  • Durant la période de validité initiale de l’enregistrement, soit dix (10) ans à compter de la date de dépôt ;
  • Durant la période dite de grâce pour le renouvellement, fixée à six (6) mois après l’échéance du terme de validité ;
  • Éventuellement, durant un délai raisonnable d’un (1) an suivant l’expiration de la période de grâce, pour tenir compte des pratiques administratives tolérées et du principe de proportionnalité.

VI. Extinction de la priorité à l’issue des délais légaux :

Une fois ces délais expirés, la priorité attachée à l’enregistrement radié s’éteint de plein droit. Elle ne saurait, en aucun cas, être revendiquée au soutien d’un nouveau dépôt, sauf à porter atteinte :

  • À la force exécutoire des décisions judiciaires ou administratives de radiation ou d’annulation,
  • Au principe d’égalité devant la loi des marques,
  • Et au principe de territorialité et de spécialité de la protection des marques.

La radiation d’un enregistrement a un effet immédiat et définitif sur les droits attachés à la marque, y compris sur la possibilité de revendiquer la priorité du titre éteint.

Conclusion :

L’article 20 du Décret exécutif n° 05-277 doit être interprété restrictivement et en cohérence avec les principes fondamentaux du droit des marques. La priorité qu’il reconnaît à un enregistrement antérieur radié ne saurait être invoquée indéfiniment, et ce, pour préserver la sécurité juridique, la stabilité des droits acquis par les tiers, et le respect des décisions de radiation rendues par les autorités compétentes.

Le législateur ne saurait instituer un privilège absolu et perpétuel au profit du titulaire initial, au mépris des délais légaux et des décisions juridictionnelles.

Une telle interprétation porterait atteinte aux fondements mêmes du droit de la propriété industrielle.

Interprété par: Maitre Abdelkader STAMBOULI – Expert en Propriété Industrielle – Conseil en Propriété Industrielle (CPI)